Ça avait pourtant bien commencé. Vous étiez motivé(e), plein(e) d’espoirs, de bonnes intentions, et des idées à profusion. Sur le papier, votre projet de devenir graphiste freelance vous faisait vraiment rêver ! Seulement voilà. Après plusieurs mois (voire années) à lui consacrer tout votre temps et toute votre énergie, vous êtes bien loin de ce à quoi vous vous attendiez.
Vous travaillez pour des projets qui ne vous plaisent pas, vous ne trouvez pas de clients, ou ceux que vous avez ne vous comprennent pas, certains même ne vous respectent pas. On négocie vos tarifs, on vous en demande toujours plus, vos ne signez pas assez de contrats, c’est à peine si vous pouvez joindre les deux bouts à la fin du mois…
Pire encore, vos proches vous demandent régulièrement : « Quand est-ce que tu vas te trouver un vrai boulot ? »
Comme si ce que vous faites, ces longues heures de travail acharné, ces nuits sans sommeil et ces sacrifices, ça ne servait à rien. À leurs yeux, vous êtes et vous resterez un amateur. Quelqu’un qui bidouille sur Photoshop, qui fait ça comme un hobby, ou encore qui « se cherche », en attendant de reprendre « la vraie vie ».
Le pire, c’est que vous commencez à le croire. À douter. À vous dire que vous avez visé trop haut, que vous êtes un doux rêveur, que vous n’êtes tout simplement pas à la hauteur de vos ambitions. L’enthousiasme du début à laissé la place à la dévalorisation, au stress, et à la lassitude.
Et pour ne rien arranger, dès que vous allez sur les réseaux sociaux, c’est le défilé des freelance “à succès”, pour qui ça parait simple, évident. On dirait presque qu’ils font ça sans effort. Vous commencez alors la pire chose à faire : vous comparer. Et vous vous dites qu’ils ont compris un truc que vous n’avez pas compris, ou encore qu’ils ont un talent que vous n’avez pas. Qu’ils sont de meilleurs designers. Bref, vous vous sentez nuls, fatigués, et vous êtes sur le point d’abandonner.
Pourtant, je vous le dis : ils n’ont rien de plus que vous.
Leur projet n’est pas meilleur que le vôtre, ils n’ont pas forcément de plus gros moyens ni un plus gros réseau. Cela n’a rien à voir.
Mais alors, pourquoi certains freelance réussissent et d’autres non ?
Cette semaine, j’étais en préparation d’examen avec mes étudiants Concepteurs Designer UI : un oral blanc, où ils devaient passer chacun leur tour pour nous présenter, pendant 40 minutes, tout leur projet d’étude de l’année. Et ce qui m’a frappée, lors de ces 4 jours, c’est qu’ils avaient presque tous tendance à mettre l’accent sur ce qui ne fonctionnait pas dans leur projet et à se confondre en excuse – en passant, sur des choses que nous n’avions pas remarquées jusqu’à ce qu’ils attirent notre attention dessus. Par contre, ils omettaient de nous montrer tout le travail phénoménal sur lequel reposait tout le reste, et qui pour le coup était excellent. Et quand je grattais un peu pour qu’ils nous montrent les coulisses, j’étais épatée du niveau de compétences cachées derrière.
À chaque fois que je posais la question : pourquoi ne pas mettre cela en avant ? La réponse était toujours plus ou moins la même : « j’ai peur d’avoir l’air arrogant ou prétentieux. » Il m’a donc semblé nécessaire de faire une petite piqûre de rappel.
Se faire plus petit que ce qu’on est, ce n’est pas de l’humilité. C’est un manque d’estime de soi. Ça s’appelle le syndrome de l’imposteur. Et, bonne nouvelle, ça se soigne !
Il y a une (très grosse) différence entre être arrogant, prétentieux, et être conscient de sa valeur et de ses compétences.
Et d’après mon expérience, ceux qui sont le plus à l’aise à se mettre en avant et se faire mousser sont rarement les plus talentueux, et ils compensent un manque de travail avec de beaux discours.
Donc si vous craignez d’être arrogant, en général, c’est un assez bon signe que vous ne le serez jamais 😉 Je vous assure que ceux qui le sont ne se posent pas ce genre de questions !
Donc, s’il vous plait, rendez-vous service, et osez briller quand vous excellez dans un domaine. Le monde a besoin de plus de gens talentueux et honnêtes, et de moins de bla-bla et de beaux parleurs.
Il ne s’agit pas d’être prétentieux, il s’agit juste d’être vous, et de ne pas vous cacher. Quand on est bon dans un domaine, quand on a travaillé comme un dingue et qu’on a fait un super boulot, c’est notre job de le mettre en avant, de le montrer. Il n’y a pas à en avoir honte, ni à s’en excuser. Parce qu’il y a des gens, en face, qui ont désespérément besoin de vous, de vos compétences particulières et qui sont, eux aussi, fatigués des fausses promesses et des experts à deux balles. Alors faites en sorte qu’ils puissent vous trouver. Plus vous aurez confiance en vous et en ce que vous savez faire, plus vous attirerez des clients qui valorisent votre travail, et qui seront prêts à payer (cher) pour ça.
Comment faire pour réaliser sa valeur quand on manque de confiance en soi ?
Il y a 6 ans, j’ai traversé une grosse crise de doute. J’ai voulu tout arrêter. J’étais au bout du rouleau. J’avais l’impression de n’attirer que les mauvais clients, souvent très exigeants et qui négociaient sans arrêt mes tarifs. Ma passion du début, pleine de rêves et d’optimisme avait fait place à un stress quotidien. Je travaillais énormément, pour des contrats qui ne me plaisaient pas, je devais rendre des comptes à des clients exigeants qui me traitaient comme leur esclave… en fait je me retrouvais dans la même posture que quand j’étais salariée, mais sans la sécurité d’une paie tous les mois, ni tous les autres avantages du salariat.
J’ai alors décidé de redevenir salariée, et postuler dans des entreprises à la recherche d’un emploi.
Et j’ai donc dû refaire entièrement mon CV, qui forcément, n’était plus du tout à jour. Pour cela, j’ai dû passer en revue et réécrire tout mon parcours : ma formation, mes expériences professionnelles. J’ai aussi listé mes compétences, mes qualités, mes talents. Au final, j’étais assez fière de mon CV, et heureuse de l’envoyer. En fait, cet exercice pour essayer de « me vendre » avait complètement boosté ma confiance en moi et pour la première fois depuis que j’étais freelance, je me sentais légitime. Après avoir écrit noir sur blanc ce que je maitrisais, de quoi j’étais capable, et ce que j’avais accompli, j’ai réalisé que ce n’était pas aux autres que j’avais besoin de me vendre, mais à moi-même !
Cette révélation a complètement changé la donne. Après deux entretiens épiques, j’ai finalement réalisé que j’étais à ma place en freelance, et j’ai décidé de continuer l’aventure, mais en changeant les règles. En voici quelques unes :
Visez l’excellence, toujours.
Soyons clairs : il ne s’agit en aucun cas de créer une belle façade, de faire miroiter de belles promesses, pour ne pas assurer derrière. Ça peut paraître évident, mais si vous voulez avoir un statut de professionnel et être pris au sérieux, il faut que vous soyez professionnel et sérieux. Que votre travail soit excellent. Vous devez connaître votre domaine, être engagé à donner le meilleur, et déterminé à fournir un service ou un produit de qualité. C’est la base. Formez-vous, montez en compétences sur certains points si nécessaire, mais pour être professionnel, vous devez connaître et maîtriser votre sujet.
Il n’y a pas de secret, pour ne pas se sentir imposteur, il ne faut tout simplement pas l’être !
Cela semble évident, pourtant bien souvent, ce qui démarque un amateur d’un professionnel, c’est un travail pas ou mal fini, vite expédié parce qu’on veut être payé, etc. Ne serait-ce que pour vous et votre estime de vous-même ! N’avez pas envie d’être fier de ce que vous vendez ? D’enchanter vos clients ?
Être professionnel, c’est replacer vos clients au centre de vos efforts et de votre réflexion, chercher à les satisfaire et à aller au delà de leur attentes. Donnez le meilleur de vous pour leur offrir une expérience unique. Cette qualité justifiera d’augmenter vos tarifs, et quand à la fin les clients ont un résultat impeccable, ils seront ravis de vous payer, même si vous êtes plus cher que la concurrence. Ils deviendront aussi vos meilleurs commerciaux en parlant de vous à leur entourage et en vous recommandant 😉
Choisissez vos clients.
Choisir ses clients, c’est quand même un des gros avantages (et souvent une raison !) d’être freelance. Ce n’est pas faire la fine bouche, au contraire : c’est savoir exactement pour qui vous serez utile, et pour qui ce sera une perte de temps. Apprenez à dire non à un prospect dès le départ si vous ne le sentez pas. Les red flags, c’est pas qu’avec les dates Tinder. Ça marche aussi avec les clients. Parfois ça ne s’explique pas, mais c’est un gros non intérieurement. Faites confiance à ce non. On peut toujours dire non avec bienveillance. Mais souvenez-vous : vous êtes le seul maître à bord. Vous n’êtes pas obligé de prendre tout ce qui se présente. Vous avez choisi d’être freelance pour avoir cette liberté là.
Un contrat qui se passe mal, c’est désagréable pour tout le monde. Donc ne culpabilisez pas de refuser un client, vous faites gagner du temps aux deux parties ! Et c’est plus de temps et d’énergie à consacrer aux clients avec qui vous voulez travailler, ceux qui partagent vos valeurs et votre vision (vos green flags !). Mais pour cela, il faut évidemment avoir bien défini ces éléments en amont, et aussi savoir exactement à qui on veut s’adresser.
Encore cette semaine, une étudiante m’a raconté que son stage s’était extrêmement mal passé et que sa tutrice était odieuse. Je lui ai demandé comment elle l’avait perçue à leur première rencontre et elle m’a répondu illico : « je la sentais pas ». Le problème ce n’est pas de les détecter, les red flags – on a un super radar pour ça. Le problème, c’est surtout de savoir s’écouter.
Ne vous bradez pas.
C’est très tentant, quand on commence, de fixer des tarifs compétitifs, donc très bas, pour « gagner » ses premiers clients. Mais par pitié, ne le faites pas. Cela dévalorise votre travail et ruine votre crédibilité. Être choisi parce qu’on est le moins cher n’est pas du tout valorisant, ni pour vous, ni pour votre client, qui vous verra comme « une bonne affaire ». Et bien souvent, votre client sera étonnamment bien plus exigeant qu’un client qui aurait payé le double. Garanti ! J’en ai fait personnellement l’expérience, et croyez-moi, être choisi pour ses bas prix n’est jamais un bon calcul.
Souvenez-vous de l’histoire de mon CV, et inspirez-vous en pour lister vos qualités, vos compétences, votre parcours et vos expériences… Vous verrez que vous valez en réalité bien plus que ce que vous demandez ! Ensuite, il faut juste tenter le coup, oser proposer un tarif plus haut que d’habitude. Lorsqu’une personne l’aura accepté, votre confiance en vous sera boostée et il vous sera de moins en moins difficile d’annoncer vos tarifs et de rester ferme.
Quand vous négociez dès le départ, vous avez déjà perdu l’estime de votre client. Donc tenez bon. S’il n’est pas prêt à investir avec vous, ce n’est tout simplement pas un client pour vous. Un autre le sera. Souvenez-vous : vous voulez des clients qui valorisent votre travail et qui sont prêts à investir en vous.
Se spécialiser
Autre chose qui est ressortie de ces oraux : au lieu de prier pour que les questions sur lesquelles on est le moins à l’aise ne tombent pas, préparez-vous. La différence, et l’avantage quand on est freelance, c’est que contrairement à un oral où les rendus sont imposés, on a le choix : soit on monte en compétence sur ce dans quoi on se sent moins à l’aise – l’équivalent de se préparer, soit on décide d’écarter les compétences sur lesquelles on sait que l’on n’est pas à l’aise et qui ne nous plaisent pas.
Autrement dit, concentrez-vous sur ce que vous faites mieux que personne, et arrêtez de proposer des services qui vous placent en situation de vulnérabilité. Par exemple, j’adore faire des sites web WordPress. C’est ma passion (mes étudiants confirmeront !). En revanche, je DÉTESTE le référencement (SEO). Et ce n’est clairement pas mon truc. Est-ce que je sais le faire ? Oui. Mais j’ai appris une leçon capitale au cours de ces 10 dernières années :
Ce n’est pas parce qu’on peut le faire qu’on doit le faire.
Faites-en votre nouveau mantra. Appuyez-vous sur vos forces, sur ce dans quoi vous excellez, que vous faites sans effort et que vous pourriez continuer à faire pendant des heures sans voir le temps passer. C’est votre zone de génie. Et ce qui vous met la boule au ventre rien que d’y penser… Arrêtez de le proposer ! C’est ok de dire à un client « Non je ne propose pas cela ».
En fait, il vous respectera d’autant plus si vous êtes transparent sur vos limites, bien plus si vous dites oui et que vous livrez un travail qui ne soit pas à la hauteur. Il faut juste trouver la formule élégante qui ne vous rabaisse pas. Par exemple, quand on me demande si je fais du SEO, au lieu de dire que je déteste ça, je réponds que « je ne propose pas ces prestations car c’est en dehors de mon champ de compétences et que je préfère m’entourer de professionnels qualifiés tout en me concentrant sur mon domaine d’expertise, afin d’offrir le meilleur résultat possible à mes clients ». Beaucoup mieux que « je ne sais pas faire ».
Soyez votre meilleur supporter
Vous l’aurez compris, être professionnel, c’est avant tout une question de perception de soi. Parce que même si vous aviez des moyens illimités, une communication digne des plus grosses startups, vous pourriez toujours avoir cette sensation d’être un imposteur.
Vous cesserez d’être un imposteur quand vous le déciderez. Cela ne peut venir que de vous.
Et pour cela, ce qui compte, c’est d’abord et avant tout d’avoir une vision claire de qui vous êtes, de vos valeurs, vos atouts, vos forces, vos faiblesses. De savoir ce que vous voulez créer, pourquoi vous faites ce que vous faites, et de vous y tenir quoi qu’il arrive.
Être un graphiste freelance professionnel, c’est avoir confiance en son entreprise, et simplement démontrer son expertise. C’est avoir conscience de sa valeur et se faire payer ce que l’on mérite. C’est avoir du caractère, oser être soi et ne pas suivre la masse, ne pas faire les choses « parce que les autres le font ». C’est avoir confiance en son ressenti, en ses compétences, en ses talents et en soi.
« Vous cesserez d’être un imposteur quand vous le déciderez. »
Enfin la solution au problème, merci ! XD
Ahah merci Stéphanie ! C’est un peu simplifié dans cette phrase, mais si on regarde bien, au final, tout est là ! Généralement on attend que la validation vienne de l’extérieur. Mais le jour où on réalise que personne ne va venir frapper à notre porte pour nous dire que, ça y est, on est légitime, on se libère. Tout vient de l’intérieur.
Une vraie boite à outils !
Cela nous permet vraiment de voir les choses sous un autre angle, et de voir le statut d’indépendant beaucoup plus sereinement. Et toujours aussi bien écrit et bien amené.
Merci beaucoup !
Merci Olivier pour tes mots ! Je suis ravie si ça te permet de voir les choses autrement. C’est toujours bon de changer de perspective !