5 choses qu’on ne vous apprend pas en école de design

par | 26 mars 2024 | #freelance | 0 commentaires

Ou pourquoi être un bon designer ne sert à rien…

Ça y est, vous vous êtes lancé·e. Plein·e d’espoirs et d’optimisme, vous avez décidé de faire de votre passion votre métier, et ce, à vos conditions. Vous voilà donc graphiste freelance. Peut-être que vous avez même déjà un ou deux clients, des amis d’amis qui avaient besoin d’un site, d’un logo, d’un flyer…

Mais voilà. Les contrats se terminent, et il n’y a rien d’autre à l’horizon. Et des questions auxquelles vous n’aviez jamais songé avant émergent soudain : Où et comment trouver des clients ? Comment fixer mes tarifs ? Comment établir un devis ?

Et là vous réalisez que, ce qu’on vous apprend à l’école, ou en formation, c’est à être un bon designer. Mais un bon designer freelance ? Pas vraiment. Parce que c’est une chose d’être bon en design, d’avoir du talent, de gérer l’usage de la typographie, de faire des palettes incroyables, de maitriser la suite Adobe comme personne. Mais est-ce que ça suffit pour qu’un flot de clients vienne à vous ? Non. Est-ce que ça garantit que vous allez réussir comme freelance ? Absolument pas.

La triste réalité, c’est que de très bons designers, il en existe plein. Mais des designers qui vivent confortablement de leur activité en freelance ? Beaucoup, beaucoup moins.

En fait, 49% des freelance qui se lancent échouent en moins de 5 ans. Est-ce parce qu’ils sont mauvais ? Pas du tout. 1/4 de ces échecs a lieu alors même que les produits ou services vendus sont appréciés ! À l’inverse, des designers plutôt moyens arrivent à se générer des revenus élevés, pourtant leurs designs ne sont pas incroyables, et ils ne sont techniquement pas meilleurs que les autres.

Mais alors, qu’est-ce qui fait qu’un designer freelance réussit là où un autre échoue si ce n’est ni le talent, ni les compétences graphiques ?

En réalité, être graphiste freelance, c’est être entrepreneur, et c’est un métier à part entière. Ça ne s’improvise pas, ça s’apprend. Et pour réussir dans cette voie, il faut une stratégie – et une stratégie qui n’a rien à voir avec la suite Adobe ou la Théorie des couleurs.

Je pars évidemment du principe que vous êtes un bon designer, que vous êtes dans une quête perpétuelle de perfectionnement, et que vous avez à cœur de servir au mieux vos clients, de les enchanter par la qualité de votre travail. Il n’est en aucun cas question ici de vendre du vent ou du travail médiocre. Ce n’est pas ma vision du design. Ici on aime la beauté, on aime servir, on aime inspirer et élever. Si ce n’est pas votre cas, je ne pense pas que vous soyez au bon endroit 😉

Voici donc une petite liste (non exhaustive) des choses qu’on ne vous apprend pas en Ecole de Design, et qui sont absolument nécessaires à votre réussite en tant que designer freelance :

1. Comment fixer ses tarifs

Ah, les tarifs… C’est LA question numéro un que mes étudiants me posent : comment on fait pour définir ses tarifs quand on est designer freelance ? C’est vrai que lorsqu’on se lance, on est un peu dans le flou, en particulier sur ces questions là.
C’est pour cette raison que j’ai créé le Guide Ultime des tarifs de designers freelance. Je ne vais donc pas me répéter, et si vous ne l’avez pas encore lu, vous pouvez le télécharger ici.

2. Comment trouver des clients

2e question la plus posée : où et comment on les trouve, ses clients ? Et là, c’est pareil, il est difficile de donner une vraie réponse à cette question. Pourquoi ? Parce que ça dépend. C’est pour ça que je ne suis pas fan des recettes toutes faites et des « il faut » : Il faut être sur les réseaux. Il faut bombarder sur Linkedin. Il faut aller à des évènements de networking et se pitcher. Il faut, vous devez…
En fait… pas forcément. Ça dépend.

Ok, mais ça dépend de quoi ?

Premièrement, ça dépend de quel type de client vous cherchez. Et là je vous entends dire « mais n’importe quel client fera l’affaire ! ». Eh bien… non. En fait, il vaut mieux définir exactement avec qui vous avez envie de travailler, parce que c’est précisément ça qui vous aidera à les trouver, ces clients. C’est logique : il est bien plus facile de trouver quelque chose quand on sait où chercher. Donc commencez par répondre à cette question : qui est votre client idéal ?
Et ensuite, demandez-vous où vous pouvez le trouver, ce client. Soyez curieux, et essayer de le comprendre, de le connaitre. Faites des recherches. Et peut-être que vous vous rendrez compte que votre client idéal à vous, eh bien il n’est pas du tout sur les réseaux. Donc ce n’est pas la peine d’y passer 2h par jour même si tout le monde vous dit qu’ « il faut ».

La clarté est la clé. C’est elle qui vous évitera de vous éparpillez et de perdre de l’énergie au mauvais endroit. Soyez intentionnel.

Je reviendrai bientôt plus en profondeur sur ce sujet, stay tuned 😉

3. Comment planifier un projet (de façon réaliste)

C’est une chose de connaître le temps que nous prend chaque tâche. C’en est une autre de fournir un calendrier réaliste. L’erreur que font la plupart des freelance, et que j’ai faite pendant des années, c’est de donner des deadlines irréalisables à un client. Je ne le faisais pas exprès : mes calculs étaient bons. J’évaluais le temps qu’une tâche me prenait et je donnais ce délai au client. Ce qui me mettait dans le rouge à chaque fois, c’est ce que je n’évaluais pas.

Evaluer le temps nécessaire à accomplir quelque chose et donner directement ce délai fonctionne très bien en agence par exemple, mais pas du tout en freelance.
Parce qu’en agence, on est souvent focus sur notre projet sur de longs créneaux, mais en freelance, il y a tellement d’autres facteurs qui rentrent en jeu ! Et si vous ne les avez pas pris en compte dans votre estimation de délai, vous êtes cuit ! Le résultat est prévisible : retard, stress, client mécontent, sentiment d’échec…

Donc pour éviter ça, il faut absolument prendre en compte les éléments suivants :

– Le délai de réponse de votre client. Dans le meilleur des mondes, votre client vous fait ses retours dans la journée et vous pouvez continuer à avancer. Dans la vraie vie, les clients sont très occupés, et ils n’ont parfois tout simplement pas le temps de vous faire de retours avant des jours…
– Les imprévus qui viennent bouleverser votre journée : un client qui appelle pour une urgence. Un logiciel qui refuse de démarrer. Une box internet en panne. Une grippe. Un café renversé sur le clavier. De la compta. L’édition d’un devis pour un autre prospect. Etc. Toutes ces tâches demandent votre temps et votre attention, et parfois toutes en même temps. Donc pour éviter de voir tout votre planning réduit à néant à cause d’un imprévu, intégrez des jours de marge dans votre échéancier.

Je sais que souvent, au début, on est tellement content d’avoir un client qu’on veut à tout prix le satisfaire, et on lui promet des délais rapides, sans avoir au préalable checké tout ça. Le problème avec ça, c’est que vous vous tirez une balle dans le pied. Vous donnez au départ de faux espoirs au client, qui va temporairement être satisfait, mais dont la joie va vite retomber quand les jours de retard vont commencer à s’accumuler. Donc, s’il vous plait, résistez à la gratification instantanée (et à la fausse promesse) et pensez plutôt sur le moyen – long terme. Et s’il s’avère que le travail est fait plus tôt que ce que vous aviez annoncé, ce sera une bonne surprise pour le client ! C’est quand même bien mieux dans ce sens là…

Par ailleurs, un client à qui vous annoncez un peu de délai, même s’il peut être un peu déçu sur le coup, aura en fait tendance à vous estimer plus que si vous êtes tellement disponible que vous pouvez délivrer dès le lendemain. Ça ne donne pas forcément une bonne image de vous. Donc n’ayez pas peur d’annoncer un délai un peu plus long, et surtout, ne le justifiez pas ! Dites que vous avez beaucoup de travail. Point. Rappelez-vous qu’initialement, c’est le client qui a besoin de vous et pas l’inverse (c’est en tout cas ce que vous devez montrer. Même si en réalité vous avez besoin de lui, il ne doit jamais le savoir !).

4. Comment communiquer avec les clients

Nous ne sommes pas tous des commerciaux dans l’âme. En fait, pour la majorité des designers, c’est même plutôt l’inverse. On a tendance à ne pas aimer ça. Mais alors pas du tout.

Bonne nouvelle : pas besoin d’être un beau parleur pour bien communiquer avec ses clients ! Par contre, il est important de maintenir une bonne communication avec eux. Souvenez-vous toujours qu’un client satisfait, c’est votre meilleur commercial.

Et au-delà de ça, c’est quand même plus agréable de collaborer quand la communication est fluide ! Cela ne veut pas dire pour autant qu’on doit passer des heures au téléphone, ni des réunions Teams quotidienne hein…

Ce que ça signifie, c’est qu’il faut que vous expliquiez à votre client ce que vous avez fait, et pourquoi vous l’avez fait. Il y a quelques années, quand on me commandait un logo, j’envoyais ma planche de recherches en PDF, avec une vingtaine de logos en vrac, et je laissais le client se débrouiller avec ça et revenir vers moi une fois son choix fait. J’ai un peu honte quand j’y pense haha. Comment le pauvre client peut-il comprendre le process derrière chaque proposition, et donc laquelle est la meilleure par rapport à son besoin ?Aujourd’hui, j’envoie une présentation aboutie, avec 2 à 3 propositions max de logo, mis en page et en situation avec des mock-ups, et j’explique mes choix graphiques.

Le client n’est pas dans votre tête, et surtout, il n’est pas designer ! Vous devez lui parler, lui démontrer votre expertise, pas seulement par un beau visuel, mais par toute la stratégie créative qu’il y a derrière. Ce sera valorisant pour vous, et rassurant pour lui. Après tout, vous êtes le professionnel, et c’est pour ça qu’il est venu vers vous ! Alors montrez-lui que vous savez ce que vous faites. Il ne vous respectera que davantage.

5. Toute la partie légale

Parce que l’école vous prépare surtout à être un designer salarié, toutes les questions purement légales du free-lancing ne sont tout simplement pas abordées. Le sujet est vaste et mériterait un article dédié à ce sujet, mais en attendant voici quelques clés :

Un devis n’est pas seulement là pour donner un prix. Il a une valeur légale. Il vous protège et vous permet de poser des limites. Détaillez-le au maximum. Ça veut dire qu’on ne met pas juste « logo = XXX€ » et basta. On précise combien de propositions de logo, et combien d’allers-retours de corrections. On précise les livrables (quel fichier final sera fourni au client). On peut aussi ajouter en-dessous des prix les modalités de paiement. Une fois signé, il vous permet d’avoir un point de référence légal au cas où, par exemple, le client commence à vous demander des corrections non prévues au contrat. S’il a signé le devis bien détaillé qui le stipule, il ne pourra pas contester.

Quand j’ai commencé, les premières années, je ne détaillais pas. Jusqu’au jour où une cliente, qui avait à priori validé ma proposition de logo, s’est mise à m’envoyer pendant plusieurs jours des « petits ajustements », « juste ça », et « on y est presque »… au final 80 modifications. QUATRE VINGT. Pour un logo « validé ». Et comme il n’était écrit nulle part à combien de modifications elle avait droit, je n’avais aucun recours. Donc ça, plus jamais.

En revanche, je vous déconseille d’indiquer votre taux horaire sur votre devis. Je détaille pourquoi dans le Guide des tarifs.

Un contrat est aussi nécessaire pour vous protéger. Au-delà de la prestation en elle-même, le contrat va plus loin, dans le sens où il pose le cadre légal de votre prestation.

Le contrat peut littéralement vous sauver la vie. Il permet notamment de définir :

  • vos engagements : ce qui est attendu du prestataire (vous),
  • ceux du client : qu’il vous fournisse les contenus par exemple, ou un délai pour valider les propositions, pour éviter qu’il vous fasse un retour dans 6 mois, comme une fleur qui se réveille au printemps (si si, ça arrive).
  • ce qui se passe si vous êtes malade
  • ce qui se passe si votre client ne vous donne plus de nouvelles ou veut arrêter le contrat en cours de route
  • les modalités de paiement, le montant de l’acompte à verser au démarrage
  • dans quelle mesure le client peut ou ne peut pas utiliser vos créations…
  • Etc.

C’est évidemment une liste non exhaustive, mais vous avez compris l’idée.

Le truc génial avec le contrat, c’est qu’une fois signé, vous vous sentez vraiment serein, parce que protégé. Vous savez qu’en cas de conflit, vous n’aurez qu’à dire : « c’est écrit dans le contrat que vous avez signé, en page 3 ». Un client ne peut rien répondre à ça. Et comme il a signé, légalement, si cela devait aller plus loin, vous êtes dans votre bon droit.

Et ne vous inquiétez pas d’effrayer le client avec toutes ces clauses. En fait, c’est tout l’inverse qui se produit. Quand vous faites signer un contrat à votre client, croyez-moi, il vous prend tout de suite bien plus au sérieux. Il est rassuré lui aussi, il sent que vous savez ce que vous faites, que vous êtes carré. Il voit qu’il a affaire à un pro et sa confiance en vous grandit. C’est donc gagnant-gagnant.

 

En résumé, vous l’aurez compris, beaucoup de compétences transverses sont nécessaires pour réussir en tant que graphiste freelance. Ne faites pas l’erreur de penser que le succès est garanti parce que vous êtes bon. Etre designer freelance, c’est devenir entrepreneur, avec toutes les casquettes que cela implique : vendeur, commercial, chargé de projet, comptable. Ne négligez donc pas ces parties-là de votre job – car oui, c’est votre job aussi.

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