Comment je me suis perdue

par | 12 juin 2024 | #freelance | 2 commentaires

…pour mieux me retrouver.

Il y a quelques mois, j’ai fêté les 10 ans de mon entreprise. Et pour célébrer ça, j’ai décidé de lui offrir une petite upgrade.

Le point de départ de cette idée, c’est cette phrase innocente d’une de mes stagiaires : « Tu te rends compte, ça fait 10 ans que tu trouves des clients sans les réseaux sociaux. Imagine ce que ça serait si en plus tu t’y mettais ». Bon, les réseaux sociaux je sais depuis longtemps que ce n’est pas mon truc, et aujourd’hui je l’assume plutôt bien.

Mais cette petite phrase a quand même réveillé en moi la sensation que je devrais faire quelque chose de plus. Voir plus grand.

Et comme je suis assez claire sur le fait que ce ne sera pas via les réseaux sociaux, j’ai trouvé autre chose : le copywriting. J’ai donc dépensé une somme astronomique pour un cours hyper connu de copywriting, qui promet qu’en changeant les mots que l’on utilise et en suivant quelques règles simples, on va transformer son business, à grands renforts de témoignages de type « j’ai triplé mon chiffre d’affaires » ou « mon business a atteint les 6 chiffres en 3 mois ».

Oui, je me suis faite avoir.

Même si je sais. Même si je vois clairement toute la stratégie marketing bien reconnaissable qu’il y a derrière. Même si je connais les ficelles et les boutons émotionnels sur lesquels on vient appuyer, j’ai cédé à l’appel des sirènes et aux belles promesses.

J’ai donc démarré la formation, et très vite, j’ai senti une espèce de malaise, subtil mais présent, à l’intérieur de moi. J’ai quand même persévéré, me répétant qu’il était temps de passer à la vitesse supérieure, et que c’était le prix à payer pour développer son business à un certain niveau.

Qu’on doit forcément faire des choses qu’on n’aime pas ou qui ne nous ressemblent pas. C’est comme ça que ça marche. C’est ce qu’on nous dit à longueur de journée.

Mettant de côté ce malaise grandissant, j’ai alors commencé à mettre en application tout ce que j’apprenais. J’ai scanné mon site web, repéré toutes les « erreurs », et entamé la transformation. À commencer par ma baseline, que jusqu’ici je trouvais plutôt cool et qui surtout, me ressemblait : « Révélez l’essence de votre entreprise ».

Sauf que le cours me dit que c’est trop vague. Trop conceptuel.

Que je dois être plus percutante, plus directe. C’est donc devenu « Création de marques iconiques pour entrepreneuses ambitieuses ».

Je passe en revue mes « call to action », et là, de nouveau, je dois tout changer. Les boutons mes services ou me contacter se transforment en « J’élève ma marque maintenant ! », « Je suis prête !», « Je passe au niveau supérieur !».

Puis les pages. Puis le formulaire. Pour la première fois en 10 ans, j’ajoute des témoignages de clientes satisfaites en page d’accueil.

Je coche une à une toutes les cases : social proof, sentiment d’urgence, effet de rareté, call to action hyper offensifs pour pousser à passer à l’action là, tout de suite, MAINTENANT.

Je regarde mon site : je ne me reconnais pas.

Il est désormais le parfait cliché du site « qui marche », le même que tous les autres finalement. Mais bon, je continue à me dire que c’est le prix à payer pour se développer. Que je vais m’y faire, surtout quand les résultats seront là.

Les jours passent. Les semaines. Les mois. Et à ma grande surprise, je ne reçois aucune demande de contact. ZERO. Ce qui est, depuis le début de mon activité, le pire résultat ! J’ai toujours reçu un flot assez régulier de messages, de demandes de contact via mon site. Mais depuis sa grosse transformation, nada. RIEN. Aucun potentiel client ne me contacte.

En fait, j’ai même l’impression qu’au contraire, je les fais fuir.

Je vérifie s’il n’y aurait pas un problème avec mon formulaire, mais il fonctionne parfaitement. Je ne comprends pas.

Je dois me rendre à l’évidence : ça ne fonctionne pas. Non seulement ça n’a pas accéléré mon succès comme énoncé, mais pire que ça : je n’attire plus personne.

Je me suis perdue en route.

Face à cet échec retentissant, je suis obligée de me poser et réfléchir. Je prend du recul, et je réalise que, en fait, je savais très bien comment mener mon entreprise avant cette formation – eh, je viens quand même de fêter ses 10 ans !

Formation qui m’a finalement apporté plus de confusion que de réussite, pour la bonne et simple raison qu’il m’a poussée à me travestir. À essayer de devenir ce que je ne suis pas.

Il est donc évident que je n’ai eu aucun contact. Parce qu’au-delà des « trucs qui marchent », je pense qu’on oublie que les gens sont intelligents, pas si faciles à berner, et fatigués de se sentir manipulés et poussés sans cesse à la consommation.

Que quand notre discours sonne creux, faux, qu’il ne nous ressemble pas, eh bien ça se sent. Et ça ne donne pas envie. Ça n’inspire pas confiance (et ça n’inspire pas tout court).

J’ai donc fait marche arrière : j’ai enlevé un à un tous ces mots qui ne sont pas les miens, ces formules toutes faites, et ces call-to-action ridicules pour revenir à l’essence de qui je suis – qui, je l’ai enfin compris, est exactement ce pour quoi les gens viennent à moi.

Au final, je n’ai pas triplé mes revenus. Je ne suis pas devenue millionnaire. Mais ce que j’ai gagné est encore plus précieux.

Cette leçon est le plus beau cadeau que je pouvais m’offrir pour ce 10e anniversaire.

Je vais donc continuer à faire ce que je fais de mieux, et surtout mieux que personne : être moi. Continuer à mener mon business comme je l’entends. M’écouter encore plus et me faire confiance à 200%. Parce que je sais.

Suivre mon propre rythme. Publier uniquement quand j’ai envie de publier, quand j’ai quelque chose à dire.

 

De cette expérience, je retire plusieurs choses :

  • D’abord, ça me rappelle que plus n’est pas forcément synonyme de mieux. Cette injonction infernale à toujours s’améliorer, voir plus grand et faire plus est dangereuse à un certain niveau parce qu’elle renforce cette idée qu’on n’est pas assez, qu’on ne suffit pas, qu’on n’est pas légitime, qu’on ne sait pas.
  • Ça m’apprend aussi à exercer de la gentillesse et de la compassion envers moi-même. Plutôt que m’en vouloir de m’être faite avoir, j’ai décidé de reconnaitre que c’est très dur de résister à l’appel des sirènes, même si on sait. Et c’est ok.

    Parfois, on a besoin de se perdre un peu pour se retrouver.

    Et ce sentiment d’être rentré à la maison quand on retrouve son chemin est inestimable !

  • Enfin, je finirai sur cette belle citation de Tess Baghuis qui illustre parfaitement cette histoire : “No one can beat you at being you” (pour les non anglophones, lire : « Personne ne peut être vous mieux que vous.»).Aucune stratégie ne fonctionnera si elle implique que vous devez vous déguiser et aller à l’encontre de vos valeurs. Aucun expert ne saura jamais mieux que vous ce qui est bon pour vous, ce qui marche pour vous, et comment être vous.

« No one can beat you
at being you. »

Tess Baghuis

2 Commentaires

  1. Frank

    Bien plaisant cet article, je suis totalement d’accord. Personnellement, je n’en peux plus des sites avec des CTA de partout, des phrases soi-disant percutantes et incitant à l’achat. Mais peut-être parce qu’on connait les rouages qui incitent à la vente, du sentiment d’urgence, etc.

    Mais probablement qu’il y a des gens qui aiment ça ? Est-ce que tu sais s’il y a des études qui montrent si les internautes préfèrent les sites simples, clairs ou les sites chargés avec des promos, des CTA de partout comme Temu ?
    Et lequel incite le plus à la conversion, pour des produits et services équivalents et même tranche de prix aussi ?

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    • Laura Peterman

      Je pense que ça dépend de ta cible et de à qui tu t’adresses. Une fois encore, on en revient au positionnement ! Si je prends mon exemple, je sais que dans mon cas, mes clients détestent ça, et c’est précisément pour ça que je n’ai plus eu aucune demande de contact après ma « transformation » : ça ne résonnait plus avec eux. Et c’est pour ça aussi que ceux qui aiment ça ne sont pas ceux qui me contactent, car je ne suis pas assez incitative et offensive, mon approche ne va pas leur parler.
      D’où l’importance de se connaitre et de bien savoir aussi à qui on veut s’adresser, de connaitre sa cible, ses clients idéaux, et quels sont leurs codes et leurs valeurs.

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